I/ INTRODUCTION
Les cataractes sont des opacifications partielles ou totales du cristallin, dont la propriété essentielle est la transparence. Elles doivent être opérées lorsque leur densité gène le passage des rayons lumineux au point d’être incompatible avec une vie normale. C’est une des plus grandes réussites de la chirurgie oculaire pouvant restituer une fonction visuelle quasi normale.
II/ PHYSIOPATHOLOGIE
La transparence du cristallin est tributaire de son degré d’hydratation et de l’état physico-chimique des protéines qu’il contient. Toute modification de l’humeur aqueuse (concentration saline, pression osmotique, PH…), toute altération de la capsule cristallinienne peut conduire à rompre cet équilibre physico-chimique.
Deux processus vont être à l’origine de l’opacification :
  • Diminution ou accumulation d’eau à l’intérieur des fibres cristalliniennes ou entre celles-ci ;
  • Diminution du métabolisme cristallinien responsable d’une altération des protéines cristalliniennes qui perdent leur solubilité, précipitent et forment des opacités.
III/ DIAGNOSTIC
A. DIAGNOSTIC POSITIF
1- SIGNES FONCTIONNELS
· Baisse progressive d’acuité visuelle +++ ; Photophobie ; Sensation de halos ;
· Plus rarement, la diplopie monoculaire : ne disparaissant pas à l’occlusion de l’autre
oeil, contrairement à la diplopie binoculaire des paralysies oculomotrices.
2- EXAMEN CLINIQUE
a- MESURE DE L’ACUITE VISUELLE
· Diminution de l’acuité visuelle plus ou moins importante en vision de loin et/ou en vision de près
· Survenue d’une myopie d’indice (liée à l’augmentation de l’indice de réfraction du cristallin)
b- EXAMEN BIOMICROSCOPIQUE
Après dilatation pupillaire, les quatre principaux types de cataracte sont :
  • La cataracte nucléaire
  • La cataracte sous capsulaire postérieure
  • La cataracte corticale
  • La cataracte totale : cette forme très évoluée est parfois objectivable à l’oeil nu, à l’éclairage direct de la pupille (aspect de leucocorie)
3- LE DIAGNOSTIC DE CATARACTE IMPOSE
Un examen ophtalmologique bilatéral :
  • Mesure du tonus oculaire pour rechercher un éventuel glaucome associé
  • Examen du fond d’oeil pour apprécier l’état de la rétine, en particulier au niveau maculaire
  • Echographie quand la cataracte est très évoluée et fond d’oeil inaccessible (à la recherche d’un décollement de rétine méconnu)
B. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
Dans la cataracte congénitale, ce diagnostic différentiel se pose essentiellement avec les autres causes de leucocorie :
  • Tumeur oculaire : rétinoblastome+++
  • Persistance et hyperplasie du vitré primitif (PHPV)
  • Rétinopathie des prématurés au stade de fibroplasie rétrolentale
  • Un décollement de rétine de l’enfant
  • Une parasitose oculaire
  • Une dysplasie rétinienne
C. DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE
1- CATARACTE SÉNILE
Cause la plus fréquente de cataracte, elle survient habituellement chez le sujet de plus de 65 ans, mais peut toucher également des individus plus jeunes (on parle alors de cataracte «présénile») ; elle est en général bilatérale, parfois asymétrique.
L’évolution est en général lente, sur plusieurs mois ou années. L’intervention chirurgicale est indiquée lorsque la baisse d’acuité visuelle devient invalidante.
2- CATARACTES TRAUMATIQUES
Fréquentes, survenant chez le sujet jeune et chez l’enfant, le plus souvent unilatérales,
elles peuvent être :
  • Contusives (classiquement sous-capsulaires postérieures en rosace) ;
  • Liées à un traumatisme pénétrant
Devant une cataracte unilatérale du sujet jeune, il faut suspecter un traumatisme méconnu.
3- CATARACTES «PATHOLOGIQUES»
Ce terme impropre regroupe des cataractes consécutives à une pathologie oculaire ou à une pathologie générale métabolique.
a- CATARACTES CONSECUTIVES A UNE PATHOLOGIE OCULAIRE
  • Les inflammations endoculaires chroniques (uvéites chroniques)
  • La myopie forte
  • Certaines pathologies héréditaires du vitré et de la rétine
  • Les décollements de rétine non traités…
b- CATARACTES LIEES A UNE PATHOLOGIE GENERALE
  • Cataractes métaboliques : La plus fréquente est la cataracte du diabétique, les autres causes sont l’hypoparathyroïdie, l’avitaminose C…
  • Autres causes : la trisomie 21, la maladie de Steinert et certaines affections cutanées (cataractes syndermatotiques), la sclérodermie ou l’eczéma atopique.
c- CATARACTES IATROGENES
  • La principale est la cataracte secondaire à une corticothérapie locale et ou générale au long cours
  • Une cataracte peut également se développer après certaines interventions chirurgicales oculaires
  • Plus rare est la cataracte secondaire à une radiothérapie orbitaire
4- CATARACTES CONGENITALES
La cataracte congénitale se caractérise par une opacification totale ou partielle du
cristallin présente dès la naissance. Son dépistage et son traitement précoce permettent
d’éviter l’amblyopie par privation.
a- CLINIQUE
Leucocorie (aspect ou reflet blanc de la pupille) +++, strabisme, nystagmus, signe digito-oculaire, retard des acquisitions psychomotrices…
La recherche d’une pathologie oculaire associée est systématique. Un examen général et une enquête familiale génétique seront réalisés.
b- ETIOLOGIES
  • L’hérédité : sont le plus souvent de transmission autosomale dominante ; elles peuvent être isolées ou associées à des syndromes pluri malformatifs
  • Certaines aberrations chromosomiques
  • Une infection maternelle virale ou parasitaire pendant la grossesse ou cataracte par embryopathie : Le plus souvent bilatérales, elles sont dominées par la cataracte de la rubéole congénitale qui est le plus fréquemment associée à d’autres atteintes oculaires (microphtalmie, rétinopathie, glaucome) ou générales (cérébrales et cardiaques) ; Les autres embryopathies sont beaucoup plus rarement en cause. (toxoplasmose,varicelle, cytomégalovirus, herpès)
  • La prématurité
  • Les affections métaboliques (galactosémie, hypoparathyroïdie), neurologiques, rénales, osseuses, cutanées

 

IV/ EVOLUTION ET COMPLICATIONS
L’évolution se fait vers l’augmentation de l’opacification cristallinienne. Elle peut être émaillée par de nombreuses complications :
  • Hypertonie aigue par intumescence cristallinienne,
  • Uvéite phacoantigénique, un glaucome phacolytique. Ces situations imposent une prise en charge urgente de la cataracte.
V/ TRAITEMENT
Le traitement est uniquement chirurgical. Il est actuellement réalisé sous anesthésie locorégionale, sauf chez l’enfant ou dans certains cas particuliers.
A. BILAN PREOPERATOIRE
Bilan préopératoire habituel (consultation de pré-anesthésie).
La biométrie (mesure de la longueur du globe oculaire par échographie) et la kératométrie permettant de calculer la puissance en dioptries de l’implant intraoculaire.
B. MOYENS
1- ABLATION DU CRISTALLIN CATARACTE
a- EXTRACTION INTRACAPSULAIRE
C’est l’ablation du cristallin en totalité (y compris le sac capsulaire). Elle est de nos jours quasiment abandonnée
b- EXTRACTION EXTRACAPSULAIRE (EEC)
Elle consiste à ouvrir le cristallin et à le vider (noyau et cortex) tout en conservant la capsule postérieure permettant de mettre en place un implant intraoculaire de chambre postérieure.
L’EEC peut être réalisée de 2 façons :
Manuelle : nécessitant une incision cornéenne large, ou
Mécanisée par phakoémulsification par ultrasons du noyau cristallinien qui a l’avantage de diminuer considérablement la taille de l’incision cornéenne (3 mm environ) et ainsi d’augmenter la rapidité de la récupération visuelle, avec une acuité visuelle satisfaisante dès les premiers jours post-opératoires.
c- PHACOASPIRATION AVEC CAPSULOTOMIE POSTERIEURE ET VITRECTOMIE ANTERIEURE
Technique réservée à l’enfant.
2- CORRECTION DE L’APHAQUIE (ABSENCE DE CRISTALLIN)
Le cristallin étant une lentille convergente de 20 dioptries, il est nécessaire d’associer à l’extraction du cristallin cataracté une correction d’aphaquie qui peut se faire de plusieurs façons :
a- MISE EN PLACE D’UN CRISTALLIN ARTIFICIEL OU IMPLANT INTRAOCULAIRE (pseudophaquie)
C’est le mode de correction le plus utilisé de nos jours. Posé à la fin de l’intervention chirurgicale après l’extraction du cristallin, il est placé le plus souvent à l’intérieur du sac cristallinien dans la chambre postérieure (implant de chambre postérieure).
Avec l’essor de la phakoémulsification, les implants souples se sont substitués aux implants classiques rigides ; ces implants souples sont pliés avant l’implantation,introduits à travers la petite incision réalisée lors de la phakoémulsification, puis se déplient une fois dans l’oeil.
b- CORRECTION PAR LUNETTES
Réservées actuellement à des cas particuliers.
Inconvénients : Ne peuvent être utilisée qu’en cas de chirurgie bilatérale, du fait de l’agrandissement considérable de la taille des images, elle entraîne des perturbations importantes de l’espace visuel, avec notamment une modification des distances apparentes et des altérations de la périphérie du champ visuel.
c- CORRECTION PAR LENTILLE DE CONTACT
Elle restitue des fonctions visuelles correctes mais a ses inconvénients propres, comme la
manipulation, et n’est pas dénuée de complications (ulcère, voire abcès cornéen).
CONCLUSION
  • La cataracte, opacification du cristallin, s’observe le plus souvent chez le sujet âgé (cataracte sénile), mais peut se voir aussi chez l’adulte jeune et chez l’enfant.
  • Elle se manifeste par une baisse d’acuité visuelle en général bilatérale.
  • L’examen après dilatation pupillaire permet d’observer l’opacification du cristallin et d’en préciser le type.
  • L’évolution non traitée est lente, entraînant une baisse lentement progressive de lacvision chez l’adulte et une amblyopie chez l’enfant.
  • Le traitement est uniquement chirurgical, par extraction extracapsulaire, le plus souvent par phakoémulsification, et mise en place d’un implant intraoculaire.
  • La récupération fonctionnelle est le plus souvent excellente et rapide, sauf en cas de pathologie oculaire associée ou en cas de survenue de complications (endophtalmie, oedème maculaire, décollement de la rétine).