ü Les facteurs de croissance (cytokines) sont des glycoprotéines de faible poids moléculaire qui régulent la croissance et la production des cellules hématopoïétiques. Ils constituent le premier signal de transduction dans l’entrée de la cellule dans le cycle.
ü Ils agissent en se liant à leurs récepteurs situés à la surface des cellules cibles.
ü Ces facteurs agissent de différentes manières :
– En agissant sur la cellule elle-même (sécrétion autocrine)
– Au niveau des cellules voisines (sécrétion paracrine)
– En passant par le plasma (sécrétion endocrine)
Intérêts de l’étude de cette question
* Comprendre le rôle de ces facteurs dans l’hématopoïèse normale
* Sujet d’actualité ++++
– Applications cliques
– Les risques
I– Rôle des facteurs de croissance dans l’hématopoïèse
L’hématopoïèse peut être définie comme l’ensemble des mécanismes qui assure le remplacement continu et régulé des différentes cellules sanguines.
Il s’agit d’un système cellulaire complexe qui aboutit à ajuster très précisément la production cellulaire aux conditions de base et aux différentes agressions extérieures de l’organisme (infections, hémorragies..)
Malgré des capacités de prolifération très faibles et une durée de vie limitée (GR : 120 jours, plaquettes : 7 jours, polynucléaires : 24 heures), leur nombre reste constant, nécessitant leur remplacement perpétuel. Chaque heure sont ainsi produits 1.1010 hématies et 4.108 leucocytes.
Les cellules hématopoïétiques
L’hématopoïèse embryonnaire est extramédullaire de la 3° à la 20° semaine de développement, d’abord localisée dans la vésicule vitelline puis dans le foie.
Cette dernière débute à la 5° semaine de développement et est essentiellement orientée au cours du premier trimestre vers l’érythropoïèse (90% des cellules hématopoïétiques matures du foie fœtal sont des érythroblastes).
Ce n’est qu’à partir de la 15° semaine de développement que la moelle osseuse prend le relais du foie fœtal et devient hématopoïétique. Ainsi l’hématopoïèse chez l’homme adulte a-t-elle lieu dans la moelle osseuse au niveau des cavités osseuses (sternum, côtes, vertèbres, sacrum, os longs).
Il paraît peu probable qu’existe dans la moelle un nombre fini de cellules immatures, acquis définitivement à la naissance, et qui progressivement entreraient en différenciation pour finalement disparaître.
L’hypothèse la plus vraisemblable est celle de l’existence de cellules souches hématopoïétiques, cellules capables à la fois de se différencier et de s’autorenouveler, ce qui permet le maintien d’une réserve constante.
Schématiquement peuvent être définis 3 compartiments cellulaires :
– les cellules souches pluripotentes
– les progéniteurs
– les précurseurs
– les cellules souches pluripotentes, cellules très primitives ayant un haut pouvoir de prolifération, capables d’autorenouvellement et de différenciation vers toutes les lignées hématopoïétiques.
– les progéniteurs, capables de proliférer sans s’autorenouveler et de se différencier. Ces cellules sont habituellement déterminées et déjà engagées vers une seule lignée cellulaire : BFU-E (Burst Forming Unit) et CFU-E (Colony Forming Unit) pour la lignée érythroblastique, BFU-Meg et CFU-Meg pour la lignée mégacaryocytaire, CFU-M pour la lignée granulo-monocytaire, progéniteurs B et T pour les lymphocytes B et T.
– les précurseurs, cellules déjà reconnaissables morphologiquement, correspondant à des cellules en cours de maturation avant leur passage dans la circulation sanguine
Actuellement, au moins 30 facteurs ont été identifiés, leur composition biochimique analysée, leur gène cloné.
Ce sont des glycoprotéines, actifs à de très faibles concentrations de l’ordre de la nM ou de la pM. Ils peuvent tous, à quelques exceptions près (érythropoïétine), être produits par différents types cellulaires.
Ils peuvent être divisés en 2 grands groupes principaux
– les facteurs de régulation positive.
– les facteurs de régulation négative.
1- Les facteurs de régulation positive
Ils sont eux-mêmes de 2 grands types : CSF et facteurs synergiques.
– Facteurs de promotion : IL1,IL6 et SCF (Stem Cell Factor).
Augmentent le nombre de cellules souches en cycle cellulaire.
Sensibilisent les cellules souches totipotentes à l’action des autres facteurs.
– Facteurs multipotents : IL3, GM-CSF, agissent sur cellules souches sensibilisées en assurant leur survie et leur différenciation.
– Facteurs restreints : M-CSF, G-CSF et EPO, agissent sur des progéniteurs engagés, favorisent la multiplication et la maturation des précurseurs.
a- les CSF (Colony Stimulating Factors)
Ø L’IL3 (Interleukine 3)
Elle agit sur les temps précoces de presque toutes les lignées hématopoïétiques à l’exception peut-être de la lignée B. Elle est capable d’entraîner la formation de colonies de neutrophiles, de monocytes/macrophages, de mégacaryocytes.
Ø Le GM-CSF (Granulocyte Macrophage-Colony Stimulating Factor)
Son action est très proche de celle de l’IL3 avec une activité sur la plupart des progéniteurs et sur les cellules matures des lignées granulomonocytaires et éosinophiles. Non seulement il active la multiplication cellulaire, mais encore il favorise l’acquisition des fonctions de ces cellules (phagocytose, adhésion…)
Ø Le G-CSF (Granulocyte Colony Stimulating Factor)
C’est un facteur essentiellement actif sur la lignée granuleuse, y compris sur les cellules les plus matures.
Ø Le M-CSF (Macrophage Colony Stimulating Factor)
Seul n’a pratiquement aucune activité CSF. Il semble avoir besoin de GM-CSF à très faible concentration pour être stimulant. Il semble constituer le facteur de régulation de tout le système des phagocytes mononucléés (facteur de survie et d’activation des monocytes et des macrophages).
Ø L’EPO (Erythropoïétine)
Ø La TPO (Thrombopoïétine)
Ø L’IL5 (Interleukine 5) : permet la différenciation des éosinophiles.
b- Les facteurs synergiques
Ce ne sont pas des CSF pour les précurseurs hématopoïétiques mais seraient indispensables pour mettre en cycle les cellules hématopoïétiques primitives : IL1, IL6, LIF (Leukemia Inhibitory Factor), SCF (Stem Cell Factor).
2- Les facteurs de régulation négative
Plusieurs facteurs ayant une fonction de régulation négative ont été caractérisés. Parmi ceux-ci :
Ø Le TGF β (Transforming Growth Factor β) est un inhibiteur de l’entrée en cycle cellulaire des progéniteurs primitifs et un inhibiteur puissant de la mégacaryopoïèse.
Ø Le TNF α (Tumour Necrosis Factor a ) agit en fait de manière différente (action inhibitrice ou stimulante) suivant les facteurs de croissance utilisés en culture pour stimuler leur prolifération.
Ø L’AcSDKP (Séraspénide) a un effet inhibiteur sur la mise en cycle des cellules hématopoïétiques au stade de progéniteurs et à un stade différenciation plus tardive.
Ø Le MIP 1a (Macrophage-Inflammatory Protein 1a ).
Le microenvironnement
Il constitue le cadre dans lequel se développent les cellules hématopoïétiques. Son rôle a notamment pu être précisé à partir des modèles animaux. Il est formé :
– de cellules Fibroblastes, cellules endothéliales , macrophages, adipocytes . Toutes ces cellules sont capables de sécréter la majorité des facteurs de croissance, mais aussi les inhibiteurs de l’hématopoïèse.
– d’une matrice extra-cellulaire Réseau de fibres complexe auquel viennent adhérer les cellules hématopoïétiques. Cette adhérence est probablement capitale, dans la mesure où la matrice constitue un réservoir considérable en facteurs de croissance.
II- Applications cliniques +++++
A- Cytopénies induites par chimiothérapie conventionnelles dans les tumeurs solides
Réduire la durée et la profondeur de neutropénies induites par la chimiothérapie s’est vite imposé comme l’une des indications potentielles majeures des CSF.
Le bénéfice apporté par les CSF peut s’exprimer en termes de réduction de la morbidité et de la mortalité liées aux infections, mais aussi en terme de respect des doses optimales d’antimitotiques et des intervalles entre les traitements.
B- Greffes de moelle
L’utilisation de CSF peut permettre de réduire la toxicité hématologique induite par les hautes doses de chimiothérapie utilisées dans ces protocoles.
ü Ceci concerne tout particulièrement la greffe médullaire autologue où l’on observe une réduction de la durée de neutropénie d’environ 1 semaine.
L’impact du GM-CSF ou du G-CSF sur la fréquence des infections documentées, sur la durée de la fièvre, sur la consommation d’antibiotiques et d’antifongiques apparaît de manière évidente. La durée d’hospitalisation est significativement réduite.
ü Enfin, une autre indication des CSF réside dans la collection de cellules souches périphériques en vue d’une auto ou d’une allogreffe.
C- Traitement des hémopathies malignes
En théorie, l’utilisation dans ce cadre des facteurs de croissance pourrait s’appuyer sur plusieurs de leurs propriétés
ü entrée en cycle des cellules tumorales : un tel effet permettrait alors de potentialiser l’action des chimiothérapies antimitotiques. Il ne constitue encore cependant qu’une approche expérimentale.
ü stimulation de l’hématopoïèse normale : permettant une réduction des neutropénies post-chimiothérapie.
Actuellement, plusieurs schémas thérapeutiques utilisant soit le G-CSF soit le GM-CSF sont en cours d’évaluation tant chez l’adulte que chez l’enfant.
D- Place des facteurs de croissances dans le traitement des syndromes myélodysplasiques
Les syndromes myélodysplasiques (SMD) sont caractérisés par l’existence de cytopénies sanguines de profondeur variable, dont la correction constitue souvent la priorité.
Le traitement classique est symptomatique et repose sur les transfusions, mais de nombreuses études évaluant l’utilisation des facteurs de croissance hématopoïétiques dans la correction de ces cytopénies ont été réalisées récemment.
Les résultats de l’administration d’EPO seule sur l’anémie des SMD sont décevants. Des taux de réponse très supérieurs sont obtenus avec l’administration de l’association synergique G-CSF/EPO, particulièrement intéressants dans les anémies sidéroblastiques.
E- Aplasies médullaires
La tendance actuelle est d’utiliser les facteurs de croissance granulocytaires pour attendre soit une allogreffe médullaire quand elle est indiquée et possible, soit une réponse au traitement immunosuppresseur.
A long terme, se pose le problème de l’effet des facteurs de croissance sur la leucémogénèse, sur l’immunité et sur le compartiment de cellules souches.
F- Neutropénies constitutionnelles
G- Les facteurs de croissance hématopoïétique ont-ils une place dans le traitement des agranulocytoses médicamenteuses? (étude)
H- Facteurs de croissance et infection
I- Infection VIH
La survenue d’une neutropénie n’est pas rare au cours de l’infection VIH.
Son étiologie est probablement multifactorielle, incluant des causes périphériques (anticorps anti-neutrophiles) et des causes centrales (inefficacité de la myélopoïèse elle-même due à l’infection VIH, aux infections opportunistes, ou aux toxicités thérapeutiques).
Quoi qu’il en soit, l’apparition d’une neutropénie augmente encore le risque d’infection sur un terrain profondément immuno-déprimé et justifie l’utilisation de CSF.
J- Action extra-hématopoïétiques des facteurs de croissance : G–CSF en tant que facteur trophique
Une action non hématopoïétique est probable sur le cerveau et l’intestin.
Des concentrations significatives de G–CSF sont présentes dans le liquide amniotique et le lait de mère. Des récepteurs au G–CSF sont présents dans l’intestin fœtal dès la dixième semaine de gestation. Ils sont localisés à partir de 22–24 semaines aux villosités et aux cryptes.
Applications cliniques :
Une équipe américaine a mis au point une solution substitut de liquide amniotique pour administration entérale. Cette solution contient de l’Épo et du G–CSF. Deux essais cliniques ont jusqu’à présent été menés :
– prématurés entre 750 et 1250 g pendant leurs 3 premiers jours de vie
– enfants convalescents d’une entérocolite nécrosante.
III- Effets secondaires !!!
L’utilisation des facteurs de croissance hématopoïétique a suscité de grands espoirs et a trouvé une place dans la thérapeutique alternative à l’allotransfusion.
Conclusion
Si la connaissance des facteurs de croissance hématopoïétique a fait de grands pas au cours de ces dernières années, beaucoup de progrès demandent encore à être réalisés quant à la compréhension des mécanismes, probablement extrêmement complexes, qui régissent leurs interactions.
De la même façon, leur utilisation n’en est sûrement encore qu’à ses débuts et reste promise à un grand développement au cours des prochaines années.