1/ Définition-Généralités :

Elle se définit par l’incapacité du ventricule gauche à assurer un débit systémique adapté aux besoins métaboliques et fonctionnels des différents organes, à l’effort et au repos. Elle est responsable de plus de 1 % de mortalité.
Cette défaillance peut être le reflet d’une anomalie de la contraction du muscle cardiaque ventriculaire (dysfonction systolique) ou de remplissage (on parle alors de dysfonction diastolique), voire des deux mécanismes.

II/ Physiopathologie :

1) en aval du ventricule défaillant : le débit est insuffisant ; cela entraîne une redistribution du débit cardiaque au profit des organes nobles (cerveau, cœur) aux dépends des territoires splanchniques, musculaires et cutanés ; le moteur de cette redistribution est le SNA, les catécholamines provoquent une vasoconstriction.
Le système sympathique, ainsi que la baisse du débit rénal est responsable d’une stimulation du système RAA.
L’excès de production de l’angiotensine II aggrave la vasoconstriction.
L’aldostérone entraîne une rétention hydrosodée qui, jointe à l’élévation de la pression en amont des ventricules contribue à l’apparition des œdèmes.

2) Au niveau du ventricule défaillant, la FE diminue ; de ce fait le volume restant en fin de diastole dans le ventricule augmente, entraînant une élévation de la pression TD.
Cette association (baisse de la FE, augmentation de la pression TD) définit l’insuffisance cardiaque pour les hémodynamiciens.

3) En amont du VG : l’élévation de la pression TD se répercute en amont jusqu’au niveau des capillaires provoquant une hypertension veinocapillaire responsable de la symptomatologie fonctionnelle.

III/ Etude clinique :

1) Signes fonctionnels :

Les symptômes ressentis par le malade en état d’IVG sont dominés par la dyspnée ; celle-ci peut être de 03 types :

a) La dyspnée d’effort :

Premier symptôme ressentie par le malade. Elle survient à l’effort, oblige le malade à arrêter son effort et disparaît peu après l’arrêt. Il s ‘agit d’une polypnée superficielle ; se manifestant pour des efforts de moins en moins importants à mesure que la maladie évolue.
La quantification se fait en demandant au malade le nombre de marches d’escalier, ou d’étages qu’il peut monter avant d’être cintrait à l’arrêt.

b) La dyspnée de décubitus (orthopnée) :

Elle apparaît après une phase plus ou moins longue de dyspnée d’effort isolée. Elle survient en position couchée, disparaît ou s’atténue en position demi-assise.
Elle sera quantifiée en demandant au patient sur combien d’oreillers, il doit dormir.

c) La dyspnée paroxystique : œdème aigu du poumon

Il réalise une hypoxie aiguë, constituant une urgence thérapeutique.
Le tableau clinique est dramatique, fait d’un essoufflement de repos, le malade étant assis, agrippé à son lit, se plaignant d’une sensation d’étouffement angoissante et intolérable.
La toux est incessante, productive, accompagnée de grésillement laryngé.
La respiration en elle même est bruyante.
L’expectoration est mousseuse, saumonée.
Il existe des équivalents mineurs : asthme cardiaque fait d’une bradypnée expiratoire bruyante.

2) Les signes physiques :

a) Examen cardiovasculaire:

La tachycardie est un des signes les plus précoces et le plus constant.
Cette tachycardie peut être régulière ou non.
Le bruit de galop est un bruit sourd, perçu à la pointe aucour de la diastole, irradie très peu.
Il peut s’agir d’un B3 : galop protodiastolique.
Il peut s’agir d’un B4 : galop présystolique.
Un souffle d’insuffisance mitrale traduisant la dilatation de l’anneau mitral.
La pression artérielle est souvent abaissée.
A ces signes peuvent s’ajouter les signes de l’affection causale.

b) Examen pulmonaire :

Les râles crépitants sont des bruits respiratoires fins, comparables à des crépitement. Ils sont perçus au niveau des deux bases pulmonaires, parfois plus haut lorsque l’IVG est sévère.

3) La radiographie thoracique :

a) La dilatation VG: se traduit par l’allongement de l’AIG une élévation de l’index cardiothoracique, pointe sous diaphragmatique.
b) La surcharge pulmonaire se traduit par une congestion des hiles, redistribution de la trame vasculaire pulmonaire vers les apex.
c) Signes d’OAP : images floconneuse, périhilaires, bilatérales et symétriques. Epanchement pleural souvent associé.

4) Electrocardiogramme :

Tachycardie régulière ou non, des singes d’HVG, d’HAG, des signes spécifiques de l’affection causale peuvent se voir.

5) Echocardiographie-doppler :

C’est l’examen essentiel pour confirmer le diagnostic et préciser l’étiologie d’une IVG.
Diagnostic : Abaissement de la FE, Dilatation cavitaire.
Orientation étiologique : mise en évidence d’une fuite valvulaire, d’une sténose.
– Anomalie de la post-charge/ HTA : épaississement des parois.
– Les signes d’un infarctus : akinésie localisée du ventricule.
Le doppler permet d’apprécier les pressions pulmonaires.

6 )Biologie :

On peut doser le BNP ou le NT-proBNP, leur augmentation donnant des renseignements équivalents. Son taux est augmenté de manière importante et spécifique en cas d’insuffisance cardiaque systolique aiguë. Cette augmentation est moins constante en cas d’insuffisance cardiaque chronique ou si elle est de type diastolique. Elle est corrélée à la pression de remplissage du  ventricule gauche. Sa mesure permet donc un débrouillage rapide des causes d’essoufflements aux  urgences, un taux normal rendant très improbable une cause cardiaque. En cas d’insuffisance cardiaque chronique, un taux élevé pourrait signifier un risque plus important de complications.
L’élévation du taux de troponine peut orienter vers un problème au niveau des artères coronaires. 
Elle a un intérêt pour évaluer le pronostic lors d’une poussée d’insuffisance cardiaque, une augmentation du taux de celle-ci étant plutôt péjorative.

IV/ Evolution :

A court terme, elle est le plus souvent favorable, ultérieurement, en l’absence de traitement étiologique, elle constamment et plus ou moins rapidement défavorable.

V/ Etiologies :

1) Insuffisance ventriculaire ischémique :

L’infarctus du myocarde, l’IVG peut être la conséquence de la masse considérable du muscle nécrosé, ou bien d’une complication (troubles du rythme, rupture d’un pilier, du SIV, anévrisme du  VG).

2) HTA :

c’est une cause fréquente, au stade de cardiomyopathie hypertensive.
La normalisation des chiffres tensionnels stabilise l’évolution mais ne fait pas régresser la dysfonction.

3) Les cardiomyopathies primitives et secondaires :

*Les cardiomyopathies primitives sont d’étiologie inconnue, l’aspect échographique est assez évocateur : VG très dilaté, parois amincies, akinétiques.
*Les cardiomyopathies secondaires : leurs profil clinique est similaire, l’étiologie peut être l’amylose, l’hémochromatose, l’alcool, les myopathies.

4) Les valvulopathies :

Les surcharges volumétriques (IM, IA) Diagnostic echodoppler.
Le RAO réalise une surcharge barométrique.

5) Les autres causes :

Certaines cardiopathies congénitales (CIV, CIA).
Les cardiomyopathies hypertrophiques.
L’hyperthyroïdie, les fistules artérioveineuses réalisent une insuffisance cardiaque à débit élevé.

VI/Critères de Framingham pour le diagnostic d’insuffisance cardiaque

Le diagnostic était posé si deux critères majeurs ou un critère majeur et deux critères mineurs sont
présents.
•Critères majeurs :
  • dyspnée paroxystique nocturne ou orthopnée,
  • distension veineuse,
  • cardiomégalie,
  • râles crépitants.
  • œdème pulmonaire,
  • galop (B3),
  • augmentation de la pression veineuse centrale,
  • reflux hépato-iugulaire.

• Critères mineurs :

  • œdème bilatéral des chevilles,
  • toux nocturne,
  • dyspnée d’effort, 
  • épanchement pleural, 
  • hépatomégalie.
  • tachycardie (supérieure à 120 battements par minute),
  • capacité vitale réduite de 30 %.

• Autres critères

  •  perte de poids supérieure 4,5 kg en cinq jours en réponse à un traitement de l’insuffisance cardiaque.

Classification :

Il existe plusieurs façons de classer une insuffisance cardiaque : tout d’abord en fonction du côté du cœur atteint (insuffisance cardiaque gauche ou droite), et également selon que l’anomalie intéresse l’éjection ventriculaire (dysfonction systolique) ou le remplissage (on parle alors de dysfonction diastolique ou encore d’insuffisance cardiaque à fonction systolique conservée).
La classification NYHA (New York Heart Association) est fréquemment utilisée pour quantifier et surveiller le retentissement fonctionnel de l’insuffisance cardiaque pour un même individu :
  • Classe I : pas de limitation, l’activité physique ordinaire n’entraîne pas de fatigue anormale, de dyspnée ou de palpitations,
  • Classe II : limitation modeste de l’activité physique : à l’aise au repos, mais l’activité ordinaire entraîne une fatigue, des palpitations ou une dyspnée,
  • Classe III : réduction marquée de l’activité physique : à l’aise au repos, mais une activité moindre qu’à l’accoutumée provoque des symptômes,
  • Classe IV : impossibilité de poursuivre une activité physique sans gêne : les symptômes de l’insuffisance cardiaque sont présents, même au repos et la gêne est accrue par toute activité physique.

VII/PRISE EN CHARGE :

Les objectifs du traitement sont de ralentir la progression de l’insuffisance cardiaque voire d’améliorer la fonction cardiaque, tout en corrigeant les facteurs aggravants.

l)Règles hygiéno-diététiques :

Elles sont impératives et comportent plusieurs points :
  • Mesures diététiques : le contrôle de l’apport sodé est impératif, dont la sévérité dépend de la gravité de l’insuffisance cardiaque. Il peut être associé à une restriction hydrique aux alentours plus ou moins importante,.
  • Il faut encourager la poursuite des activités quotidiennes avec les adaptations qui s’imposent, la meilleure activité physique étant orientée vers l’endurance : marche à pied, vélo promenade… 
  • L’exercice physique améliore marginalement le pronostic mais surtout l’état général. Le repos n’est préconisé qu’en cas de décompensation. Une réadaptation cardiaque dans un centre spécialisé peut être intéressante dans ce but.
  • L’arrêt du tabac doit être activement encouragé et peut comprendre une aide médicalisée, l’utilisation de substituts nicotiniques, etc.

2)Traitement médicamenteux de l’insuffisance cardiaque systolique :

Inhibiteurs de l’enzyme de conversion

Le traitement par inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) est indiqué à tous les stades de l’insuffisance cardiaque liée à une dysfonction systolique (fraction d’éjection inférieure à 45 % ) avec ou sans surcharge volémique. Ils sont indiqués en première intention chez les patients dont la fraction d’éjection est altérée avec fatigue ou dyspnée modérée à l’effort sans signe de surcharge volémique. Le traitement par IEC doit, dans la mesure du possible, être donné aux doses ayant montré leur efficacité dans les études sur l’insuffisance cardiaque et ne pas se limiter à la dose minimum permettant une amélioration des symptômes. L’augmentation des doses peut cependant être limitée par la survenue d’une insuffisance rénale (surveillance régulière par le dosage de créatinine sanguine) ou par une pression artérielle trop basse.
En cas de dysfonction du ventricule gauche (VG) asymptomatique, les IEC ralentissent la progression vers l’insuffisance cardiaque, et réduisent également le risque d’infarctus du myocarde et de mort subite (étude SOLVD).

Diurétiques

Les diurétiques de l’anse et les thiazidiques constituent un traitement symptomatique en cas de surcharge hydrosodée entraînant des œdèmes périphériques ou une surcharge pulmonaire. Il n’y a pas d’études contrôlées étudiant leur effet sur la survie. Les diurétiques doivent donc toujours être prescrits en association avec les IEC et des bêtabloquants s’ils sont tolérés.
La spironolactone est un antagonistes des récepteurs à l’aldostérone. Son emploi est recommandé dans l’insuffisance cardiaque avancée (NYHAIII – IV) en association avec les IEC, les bêtabloquants et les diurétiques, car il améliore dans ce cas, la morbi-mortalité. Un dérivé de la spironolactone, l’éplérénone. a également montré son efficacité en association aux IEC et bêtabloquants après un infarctus avec dysfonction systolique et signes d’insuffisance cardiaque ou diabète avec, également, une réduction de la morbi-mortalité.

Bêtabloquants

Les bêtabloquants sont recommandés pour le traitement de tous les patients présentant une insuffisance cardiaque stable, de légère à sévère (NYHA II, III, IV), en association avec des diurétiques et des IEC (hors contre-indications).
Le traitement par bêtabloquant réduit les hospitalisations (de toutes causes), améliore le stade NYHA et réduit la progression de l’insuffisance cardiaque. Ces effets bénéfiques ont été constatés chez tous les sous groupes quels que soient l’âge, le sexe, le stade NYHA, la fraction d’éjection et l’origine ischémique ou non de l’insuffisance cardiaque. Cela est particulièrement net dans les suites d’un infarctus du myocarde
Seuls quatre bêtabloquants ont fait leurs preuves dans la réduction de la mortalité dans l’insuffisance cardiaque stable, le bisoprolol, le carvédilol, le metoprolol et le nébivolol.

Glucosides cardiotoniques

Les digitaliques sont spécifiquement indiqués pour l’insuffisance cardiaque systolique symptomatique s’accompagnant d’un rythme ventriculaire rapide lors d’une fibrillation auriculaire,  avec ou sans dysfonction ventriculaire gauche.

Traitements anticoagulants

Us n’ont pas d’indications en dehors de la fibrillation auriculaire ou d’une complication embolique

3)Traitements non médicamenteux :

En cas de bloc de branche (surtout gauche), se manifestant sur l’électrocardiogramme par un QRS élargi, il existe un asynchronisme de contraction : certaines parois du ventricule gauche se contractent en retard par rapport aux autres, entraînant une diminution du débit cardiaque et parfois une insuffisance mitrale. La pose d’un stimulateur cardiaque multi site permet de corriger partiellement cette anomalie. Elle consiste à implanter, en plus des sondes de stimulation classiques dans l’oreillette droite et dans le ventricule droit, une troisième sonde ventriculaire gauche placée dans une branche du sinus coronaire qui permet une stimulation directe du ventricule gauche par voie épicardique. La stimulation simultanée des deux ventricules permet de corriger l’asynchronisme et ses effets délétères. La stimulation bi-ventriculaire est actuellement indiquée chez des patients insuffisants cardiaques ayant une fraction d’éjection inférieure à 35 %, une dyspnée de stade III ou IV, un ventricule gauche dilaté, un bloc de branche/durée de QRS > 120ms) et ce malgré un traitement médical optimal.